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suivre ce blog administration connexion + créer mon blog thierry-guinhut-litteratures.com 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 > >> 11 juillet 2018 3 11 / 07 / juillet / 2018 16:09 l’ultime flamboiement poétique de william butler yeats : derniers poèmes, nôs irlandais, lettres sur la poésie. au jardin. photo : t. guinhut. l’ultime flamboiement poétique de william butler yeats : derniers poèmes, nôs irlandais, lettres sur la poésie. william butler yeats : derniers poèmes , william butler yeats : trois nôs irlandais , traduit de l’anglais (irlande) par jean-yves masson, verdier, 192 p, 98 f. william butler yeats : trois nôs irlandais , traduit par pierre leyris, josé corti, 120 p, 95 f. william butler yeats : lettres sur la poésie. correspondance avec dorothy wellesley , traduit par livane pinet-thélot et jean-yves masson, la coopérative, 336 p, 22 €. « chose proprement stupéfiante - j’ai vécu soixante-dix ans ; hourra pour les fleurs du printemps, car le printemps est de retour. » comme en témoigne matisse inventant les papiers découpés en son grand-âge, la vieillesse peut-être le siège d’un intense déploiement créateur. c’est au-delà de ses soixante-dix ans qu’un poète irlandais, déjà couronné par le prix nobel de littérature en 1923, voit à partir de 1935 son imagination créatrice permettre à de nouvelles œuvres d’éclore. william butler yeats (1865-1939) non content d’écrire alors le purgatoire de ses nôs irlandais , ainsi que ses derniers poèmes , s’offre le luxe de confier son art poétique et d’être le mentor de dorothy wellesley à l’occasion de généreuses lettres sur la poésie . symbolisme et nationalisme irlandais irriguent le théâtre et la poésie du jeune william butler yeats, fasciné par les mythes celtiques. en sa maturité son écriture évolue vers plus de modernisme, en partie grâce à l’influence du poète américain ezra pound [1] qui fut un temps son secrétaire. plus tard, au soir de sa créativité, « cet aigle : l’esprit d’un vieil homme », accède à une totale indépendance créatrice. ses derniers poèmes sont « peinture et livre, ce qui reste ». celui qui « rappelle les muses » y retrouve les figures du nationalisme irlandais, dont parnell l’indépendantiste et roger casement [2] qui fut exécuté pour trahison car il avait appelé l’allemagne à la rescousse contre l’angleterre. notre auteur rêve « une irlande / imaginée par les poètes, terrible et gaie », une contrée toujours irriguée par le sang de ses mythes, comme celui de cuchulain, face à « l’immonde marée de l’époque moderne ». probablement, en 1938, faisait-il allusion à la montée des périls fascistes. or, si le thème traditionnel de l’amour parcourt ces pages, la satire politique est vigoureuse, plus actuelle que jamais : « l’homme d’etat est un homme disert, il débite ses mensonges sans réfléchir ; le journaliste fabrique ses mensonges et vous agrippe à la gorge ; aussi restez chez vous et buvez votre bière, et laissez voter vos voisins ». « la désertion des animaux du cirque » est peut-être son plus grand poème : un bilan désabusé où ses thématiques jadis préférées se livrent à une dernière parade : « les acteurs et les scènes peintes eurent tout mon amour » ; mais ce ne sont à la fin que « vieilles tôles, vieux os, vieux chiffons »… ce n’est pas un hasard si l’un de ces derniers poèmes est dédié à dorothy wellesley : « etendez le bras vers le minuit sans lune des arbres… » cette grande lady (1889-1956), duchesse de wellington par son mariage, eut une liaison avec vita sackville-west. ce qui ne l’empêcha en rien de se consacrer à la poésie en finançant l’édition d’une collection, en écrivant des vers, et à son amitié avec yeats alors qu’elle a 44 ans et lui 70. du printemps 1935 au mois de décembre 1938, une abondance correspondance réunit l’auteur de l’escalier en spirale , de la tour , et celle qui « se languit d’amour pour l’italie comme un amant ». comme dans tout échange épistolaire, l’ensemble est d’un intérêt inégal bien sûr ; les voyages et soucis de santé n’étant pas l’essentiel des préoccupations du lecteur, quoique cela fasse partie de la vie vécue par les protagonistes. mais l’échange est étonnant à plus d’un égard. désirant inclure des poèmes de sa cadette dans une anthologie, yeats propose des corrections, des améliorations aux poèmes de dorothy wellesley, montrant sa capacité à mettre en œuvre un exercice de l’écriture immédiatement efficace, même si l’on peut parfois les trouver discutables, comme d’ailleurs la première concernée : « je préfère de mauvais poèmes que j’aurais moi-même écrits à de bons poèmes écrits par vous sous mon nom ». certes la traduction, quelque soit son talent qui n’est pas ici à remettre en cause, tend à minimiser pour le lecteur français l’acuité des interventions du poète et pédagogue. bien qu’il ait le sentiment de lui confier son génie, de manière un rien paternaliste, il est plein d’attentions pour elle, y compris pour ses vers : « une bonne part de l’effet de vos poèmes vient d’un usage parcimonieux des adjectifs ». même si dorothy wellesley note à part soi que sa « façon soudaine de critiquer ce qu’il observe est pour nous à la fois déconcertante et humiliante ». il est cependant profondément touché par des poèmes de son admiratrice, comme « feu. une incantation », qui mérite à raison son éloge : « j’ai eu du mal à retenir mes larmes à tant de beauté ». nous-mêmes, lecteurs, pouvons apprécier de la même : « toute l’influence de l’iris / dans le spectre d’un coquillage »… ensuite, les lettres, qui jouent parfois le rôle d’une petite anthologie dispersée, témoignent d’un art poétique sans cesse à l’affut : « mon imagination est entrée en effervescence ». il a des journées « remplies d’impulsion créatrice ». il se réjouit : « la vieillesse m’a apporté l’abondance et la détermination que je n’ai jamais eues dans ma jeunesse ». créant à toute volée, il se reprend, se corrige, polit : « les corrections dans la prose, parce qu’elle n’a pas de lois fixes, sont sans fin ; un poème tombe juste, avec un déclic de boîte qui se ferme ». mais surtout, il réitère sa fidélité à une tradition : « à l’instar de milton, shakespeare, shelley, nous avons besoin de sentiments immenses ». d’autres aspects de la personnalité du poète le montrent comme toujours féru d’ésotérisme et d’occultisme, alors qu’il travaille sur la traduction des upanishads avec un moine indien. l’éthique littéraire de yeats résonne aujourd’hui avec une étonnante actualité : « nous n’aurons pas de grande littérature populaire tant que nous ne nous serons pas débarrassés des sycophantes de la morale ». il confie également ses affres politiques, à la veille d’une seconde guerre mondiale que son décès l’empêchera de voir : « l’europe est dans la phase décroissante de la lune ; toutes les choses que nous aimons sont-elles sur leur déclin ? » une rencontre surprenante des cultures s’est produite dans l’œuvre de yeats : le nô japonais et la poésie d’irlande. entre 1917 et 1939, il parsema sa carrière de trois nôs irlandais . c’est grâce à ezra pound qu’il découvrit le théâtre nô. fasciné par sa rigueur, par son intensité, il décida de faire suivre des succès scéniques comme la princesse kathleen par ces bijoux dramatiques versifiés destinés à marquer d’une empreinte symbolique la conscience politique irlandaise. le raffinement de l’expression poétique puise au terreau légendaire commun à tout irlandais pour consolider son identité face à l’impérialisme politique et culturel anglais (rappelons qu’alors l’irlande n’est pas encore indépendante). cet art qui se veut populaire s’inscrit en faux contre le réalisme de convention du théâtre de boulevard et le naturalisme d’ibsen. à la source du faucon bénéficia, lors de sa création en 1917, des talents d’un danseur japonais pour interpréter le rôle surnaturel du faucon. une mise en scène très stylisée fait alterner le chant et la parole. yeats retrace un épisode de la vie de son héros mythique préféré, cuchulain, « un de ceux qui raffolent de ve